Les yeux ainsi bandés, Roxanne s’était raccrochée à tous les sons et les bruits alentour pour tenter d’appréhender ce qui était sur le point de se produire. Dans un premier temps, seules les bribes d’un monologue absurde parvenaient jusqu’à elle. Le jeune homme parlait à voix haute et semblait interpeller un interlocuteur imaginaire. Elle crut d’abord à une farce burlesque, et puis tout bascula.

Soudain, l’homme qui était toujours inconscient jusque-là se mit à hurler et à gesticuler avec la force du désespoir. À chacun de ses soubresauts, les pieds de sa chaise venaient frapper le sol, comme s’ils battaient la cadence. La pièce presque vide faisait office de caisse de résonance et venait amplifier l’intensité des cris qui s’échappaient de la gorge du pauvre homme.

La jeune femme, qui ne pouvait toujours rien voir, tressaillait au moindre bruit. Son imagination galopante la torturait, et elle ne pouvait bloquer les images terrifiantes qui envahissaient son esprit. Que faisait-il donc à ce pauvre homme ? Pourquoi s’acharnait-il ainsi sur lui ?

Comme si ce qu’il se passait n’était pas encore assez sinistre, leur bourreau entrecoupait son supplice de questions fantasques et de réflexions sarcastiques. La peur de l’autre otage devenait quasi palpable, et Roxanne osait de moins en moins bouger, convaincue que son tour viendrait ensuite.

Il y eut alors un dernier cri et puis ce fut le silence. Un silence lourd et étouffant, encore plus terrible que les cris terrorisés qui l’avaient précédé. La jeune femme était pétrifiée, ses membres littéralement paralysés. Alors qu’elle tendait l’oreille, à l’affût du moindre bruit, des scénarios plus horribles les uns que les autres prenaient vie dans son esprit.

Après quelques minutes d’un silence aussi implacable qu’insoutenable, le jeune homme avait repris ses allées et venues. Le bruit de ses pas résonnait à nouveau dans les entrailles de Roxanne qui ne comprenait toujours pas ce qu’il s’était passé. Son imagination s’était alors emballée, exacerbée par la soudaine effervescence, mais aussi et surtout par les vapeurs d’eau de Javel qui lui faisaient désormais envisager le pire.